Article 8 : Qu’est-ce qu’une tendance ?

Le phénomène des tendances (3/3)


Trouver le point de départ d’une tendance, voilà l’objectif des méthodes chartistes que je vais vous présenter dans cet ouvrage, car c’est bien l’existence d’une tendance qui est génératrice de profits. Sans tendance, pas de plus-values à empocher ! Comme le disait Keynes, « ce qui compte c’est de voler le départ ». La première chose à faire en regardant un graphique boursier sera donc de déterminer et de caractériser l’allure générale de la courbe. La tendance sera haussière si les sommets et les creux sont de plus en plus hauts, et baissière s’ils sont de plus en plus bas.

 

 

2 Qu’est-ce qu’une tendance ?

 

Ce phénomène que décrit le célèbre dicton boursier « la hausse appelle la hausse, la baisse appelle la baisse », fait référence à une notion statistique très précise. Celle-ci correspond à l’orientation prise par une série de données, en l’occurrence les prix, et qui se poursuit dans la même direction sans véritable changement pendant un certain laps de temps. Bien entendu, le fait que les prix grimpent ou descendent n’indique pas qu’il y a des tendances. Parler de tendance dans le contexte de l’analyse technique sous-entend qu’une force attire la courbe des prix vers le haut ou vers le bas. Dans le cas d’une courbe aléatoire, rien n’attire rien dans un sens ou dans l’autre, les points de la courbe sont parfaitement indépendants les uns des autres, ce qui n’empêche pas la courbe de monter ou de descendre pendant un certain temps et de faire apparaître des tendances que l’on qualifiera de stochastiques par opposition aux tendances déterministes de l’analyse technique.

Le raisonnement que fait le chartiste est alors simple : une fois la tendance lancée, il fera l’hypothèse de l’existence d’une loi d’inertie : les forces qui auront été à l’œuvre à l’origine du mouvement devraient continuer à agir pendant un certain temps et maintenir le mouvement initial des prix dans la même direction. Autrement dit, au moment où la tendance se met en branle, la probabilité qu’elle continue dans le même sens est alors sensiblement supérieure à celle qu’elle emprunte le chemin opposé, ce qui n’est pas le cas d’une tendance stochastique.

Toutefois, selon le mythe de l’éternel retour, une tendance est amenée un jour ou l’autre à se terminer. C’est ce message qui est contenu dans un autre dicton très connu : « Les arbres ne montent pas jusqu’au ciel, la Bourse est faite du même bois. »

Dans la pratique, une tendance haussière se compose d’une série de sommets et de creux de plus en plus hauts. Tant que chaque sommet est plus élevé que le précédent, et que chaque creux est aussi plus élevé que le précédent, la tendance haussière reste d’actualité. C’est lorsque le marché n’arrive plus à dépasser le dernier sommet que le chartiste y voit un signe de faiblesse annonciateur d’un possible changement de tendance. La confirmation de ce retournement n’interviendra que quand le creux précédent sera enfoncé.

Une tendance baissière est l’image inverse d’une tendance haussière. Si les sommets et les creux sont de plus en plus bas, on dira que nous sommes en présence d’une tendance baissière.

 

 

1.2 Comment tracer des lignes de tendance ?

 

La solution la plus intuitive pour représenter une tendance est d’utiliser une droite. Le chartiste va donc s’armer d’un crayon et d’une règle pour la tracer. Une fois la tendance haussière identifiée, s’il arrive à relier entre eux au moins trois creux par une droite, de telle sorte qu’aucun corps de bougie ne se situe au-dessous de la droite, il aura réussi à mettre en évidence une droite de tendance haussière. Inversement, une droite de tendance baissière sera tracée en reliant au moins trois sommets de moins en moins hauts et en s’assurant qu’elle contient également tous les corps de bougies. Bien entendu, plus les creux ou les sommets utilisés pour le tracé seront nombreux, plus la pertinence de la droite en sortira renforcée.

 

Figure 2.10 – Droite de tendance baissière sur CATERPILLAR

 

 

Une fois que la droite de tendance baissière est tracée, le chartiste va surveiller son éventuel franchissement, un signe qui lui indiquera que la tendance est en train de se retourner et qu’il est très certainement judicieux qu’il ferme ses positions vendeuses.

Beaucoup de débutants, lorsqu’ils essaient de tracer des lignes de tendance, ont du mal à s’y retrouver. Ils peuvent même, à partir du même graphique, arriver à des conclusions différentes, voire diamétralement opposées. Pourtant, si l’on respecte scrupuleusement les règles que j’ai indiquées, il n’est pas possible de dessiner une multitude de lignes de tendance sur un même graphique. Par trois bougies, il ne peut passer qu’une seule droite ! Respecter ces règles vous évitera également toute tentation de manipuler le graphique, c’est-à-dire de faire prévaloir vos souhaits dans le résultat final en plaçant les droites là où cela vous arrange !

 

1.3 Construction des canaux

 

Parfois, il est possible d’enfermer les cours entre deux droites ; on parle alors de couloir de tendances ou de canal. La droite de support d’un tel couloir se détermine graphiquement en joignant trois creux entre eux, alors que la droite de résistance est tracée en reliant au moins trois sommets entre eux. De plus, il est important qu’elles soient testées de façon alternée et régulière pour que le canal soit significatif. Une fois tracé, celui-ci est prolongé afin d’avoir une idée du chemin que les prix devraient emprunter dans le futur, sachant que tant que les cours restent à l’intérieur du canal, la tendance n’est pas remise en cause.

 

 

Figure 2.11 – Sortie d’un canal ascendant sur GAZ DE FRANCE

 

Dans le cas de GAZ DE FRANCE, la tendance haussière visible sur le graphique de septembre à janvier 2009 s’inscrit parfaitement à l’intérieur d’un canal dont chacune des bornes passe au moins par trois bougies, lesquelles sont suffisamment espacées dans le temps. On remarquera également qu’il y a une majorité de points d’impact représentés par des bougies caractéristiques. Par exemple, le premier impact du support est une ligne perçante alors que pour la résistance, il s’agit d’un nuage noir. Quant au dernier impact de la borne haute du canal, au mois de janvier 2008, il indique une étoile filante, une figure particulièrement destructrice.

 

 

Certes, le fait d’observer et de tracer une tendance sur un graphique ne fournit aucune certitude quant à son évolution future. Ce procédé permet simplement de mieux visualiser le parcours boursier d’un titre en mettant en évidence son trend passé jusqu’à la période présente. Tant que les prix restent contenus par la droite ou, selon le cas évoluent à l’intérieur du canal, il n’y a pas lieu de remettre en cause la tendance. Il suffit alors de se laisser porter par le mouvement. Ce n’est que lorsque les cours sortiront par le haut ou par le bas du canal que le chartiste devra prendre en compte un changement d’orientation, c’est-à-dire une accélération du mouvement ou un retournement de la tendance.

Certains confrères estiment qu’il est possible de se contenter de seulement deux points pour tracer le support et la résistance, mais à la condition que les droites du canal soient parallèles. J’adhère à ce principe dans la mesure où le canal enferme la totalité des corps de bougies.

 

 

Figure 2.12 – Canal descendant sur M6TV

 

Le graphique de M6TV montre un exemple parfait de canal descendant. Non seulement les deux droites sont parallèles, mais les points de contact sont parfaitement alternés ; un test de la résistance en septembre, un test du support en octobre, un deuxième test de la résistance en décembre et pour finir un dernier test du support au mois de mars. Tant que les prix évoluent à l’intérieur du canal, il n’y a pas lieu de remettre en cause la dynamique baissière. Par contre, lorsque les cours en sortent par le haut, au mois d’avril, le technicien y verra le signe d’un changement de psychologie des investisseurs.

 

 

Figure 2.13 – Canal ascendant sur JOHNSON & JOHNSON

 

Lorsque la sortie d’un canal devient effective, le chartiste peut mesurer le potentiel de baisse en adaptant la règle de la balançoire. Il lui suffit alors de reporter la plus grande largeur du canal au point de rupture.

 

 

1.4 L’origine des tendances

 

La vitesse d’intégration des informations est souvent un argument avancé pour expliquer l’origine des tendances, et notamment les situations très fréquentes où les cours évoluent même en l’absence de nouvelles informations. Cette vitesse qui est loin d’être identique chez tous les intervenants, se matérialise le plus souvent par une réaction étalée aux informations qu’ils reçoivent, et non par une réaction instantanée au hasard de l’arrivée de ces informations, comme le voudrait la théorie de l’efficience des marchés.

D’autres explications sont également avancées, tel l’excès de création monétaire qui alimente la hausse des cours de Bourse ou le prix des matières premières ; citons enfin l’excès d’optimisme ou de pessimisme des intervenants qui auraient un penchant assez marqué pour les comportements moutonniers.

Pour ma part, je pense qu’une grande partie de l’origine des tendances s’explique par la nature même des marchés financiers qui ont toujours fonctionné comme une sorte de grand système pyramidal. Voici une fable qui vous permettra de mieux appréhender mon propos. Il était une fois deux brocanteurs dans un village. Un jour, l’un deux aperçoit dans la boutique de son concurrent une magnifique soupière en porcelaine. Trouvant son prix de 50€ particulièrement modeste, il décide de l’acheter en se disant qu’il pourrait facilement la revendre à un prix nettement supérieur. Le lendemain, l’autre brocanteur s’arrête à son tour devant la vitrine de son concurrent, et découvre que le prix de la soupière qu’il a vendue la veille s’affiche maintenant à 100€. Pensant que la mode pour ce genre d’objet était revenue, il entre dans la boutique, rachète la soupière et la replace dans sa propre vitrine au prix de 200€.

Vous l’avez compris, la soupière en porcelaine continuera de circuler et les deux brocanteurs continueront de gagner de l’argent aussi longtemps qu’ils seront séduits par cette mode. Mais il suffira que le prix affiché par le dernier acquéreur soit jugé excessif par son concurrent, au point qu’il renonce à l’acheter, pour que la pyramide tout entière s’écroule. Cette parabole nous rappelle tout d’abord que la Bourse des valeurs mobilières n’est pas un jeu à somme nulle, où les gains des uns compensent les pertes des autres, mais qu’elle s’apparente davantage à une gigantesque partie de Mistigri, où les perdants sont les derniers arrivés. Elle nous rappelle également que les comportements d’achat ou de vente des spéculateurs sur les marchés boursiers ne se déterminent pas uniquement en fonction de l’estimation d’une quelconque valeur fondamentale, mais qu’ils dépendent également de ce qu’ils pensent que les autres feront. Elle met enfin l’accent sur le fait qu’étant un phénomène qui s’auto-entretient, la spéculation est génératrice de tendances.

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