Les bons graphiques font les bons analystes chartistes (2/4)
1.1 La psychologie des principales bougies
Marteau et étoile filante
Dans cette logique de petit corps, il y a deux formes symétriques particulièrement intéressantes : le marteau (karakasa) et l’étoile filante (hoshi). Le premier apparaît après un mouvement baissier ; il se caractérise par un petit corps doté d’une mèche basse au moins égale à deux fois la hauteur du petit corps, complété par une toute petite mèche haute, voire aucune. Quant à l’étoile filante, c’est la figure symétrique du marteau. Elle apparaît donc après un mouvement haussier et se caractérise par un petit corps doté d’une longue mèche haute (au moins égale à deux fois la hauteur du petit corps).
Figure 1.5 – Rebond haussier après 2 marteaux
Après l’apparition d’un long corps noir le 15 octobre, SCHNEIDER a tenté de rebondir, mais sans succès. Une deuxième vague de baisse a ramené les prix au-dessous de 40€ sans que le titre clôture au-dessous de ce niveau. La formation de deux marteaux a témoigné de la volonté des acheteurs de préserver ce seuil et de reprendre en main le marché. Par la suite, l’ouverture d’un gap haussier a confirmé la nouvelle orientation haussière des prix.
Figure 1.6 – Une étoile filante à ne pas prendre à la légère
Le 8 octobre, PPR a ouvert un peu au-dessus de sa clôture de la veille et l’engouement suscité par la dynamique haussière amorcée le 19 septembre a permis au titre de tutoyer les 129€. C’est alors que la publication d’une information négative a pris les acheteurs à contrepied, permettant aux vendeurs de prendre le dessus et d’inscrire une clôture très en-dessous des plus hauts du jour. La journée s’est alors soldée par la formation d’une étoile filante avec une mèche haute particulièrement impressionnante.
Harami
Littéralement, harami veut dire « enceinte » en japonais ancien. Cette structure fait intervenir deux bougies. Un petit corps (bébé) qui vient se loger à l’intérieur d’un long corps. Dans une tendance haussière, le long corps qui précède le bébé doit être blanc. Et inversement, il devra être noir dans un mouvement baissier. Cette figure manque toutefois de précision. Si elle traduit une hésitation du marché, il n’est généralement pas possible de déterminer si le mouvement ne sera que passager ou s’il se transformera en retournement de tendance.
Figure 1.7 – Harami baissier… puis haussier
Dans le graphique ci-dessous, SAINT-GOBAIN a entamé un rallye le 8 du mois. Le 11, la présence d’un harami baissier marqua la fin de ce mouvement de hausse ; la correction baissière qui débuta avec cette structure s’arrêta le 29 avec la formation d’un harami haussier.
Les contre-attaques
Une contre-attaque haussière (sashikomi) intervient dans un mouvement baissier selon le schéma suivant : après la formation d’une bougie noire lors de la séance précédente, le marché continue sur sa lancée et ouvre la séance suivante avec un gap baissier (l’ouverture doit être nettement au-dessous de la clôture de la veille). Mais les baissiers n’ont plus la force pour maintenir la pression, et ils subissent de plein fouet une violente attaque des haussiers. Ces derniers réussissent à prendre l’avantage au point que la séance se termine au niveau de la clôture de la veille, comblant au passage le gap baissier ouvert précédemment, ce qui doit être considéré comme un signe de force.
Le mouvement de retour peut même se poursuivre à l’intérieur du corps noir de la bougie précédente, mais il doit toutefois s’arrêter au- dessous du centre de gravité du corps noir précédent. Une considération importante à prendre en compte est la taille du corps de la bougie blanche. Celle-ci doit être au moins aussi longue que celle du corps noir précédent.
Figure 1.8 – Violente contre-attaque haussière
A l’ouverture de la Bourse le 10 octobre, LVMH a ouvert un large gap baissier à 47€ après avoir clôturé la veille à 51€. Dans les échanges qui ont suivi, le titre a continué de dégringoler jusqu’à 45€ ; c’est alors que les acheteurs ont contre-attaqué et ont poussé les prix à la hausse jusqu’à la fermeture du gap baissier. La clôture au même niveau que celle de la veille s’est soldée par un grand corps blanc, formant ainsi une parfaite contre-attaque haussière.
Figure 1.9 – Contre-attaque baissière après 5 bougies blanches
Le principe d’une contre-attaque baissière est inverse à celui d’une contre-attaque haussière. On trouve cette figure au sein d’une tendance haussière lorsque le marché ouvre un gap haussier puis clôture au même niveau que la veille. Après cinq bougies blanches et une progression de près de 15%, BOUYGUES ouvre à nouveau en hausse, mais termine la journée au-dessous de la clôture de la veille. Cette contre- attaque baissière est le signe d’un retournement de la pression acheteuse au bénéfice de la pression vendeuse.
Ligne perçante et nuage noir
Une première variante de la contre-attaque haussière a lieu quand le corps de la bougie blanche pénètre suffisamment celui de la bougie noire précédente, c’est-à-dire clôture au-dessus du centre de gravité du corps noir précédent. La figure s’appelle dans ce cas-là, une ligne perçante (kirikomi).
Figure 1.10 – Une ligne perçante met fin à 15 jours de baisse
La ligne perçante est un prolongement de la contre-attaque haussière. Le 17 août, GAZ DE FRANCE a ouvert un gap baissier puis est remonté dans la journée pour finir la séance bien à l’intérieur du corps noir précédent, c’est-à-dire au-dessus de son centre de gravité, mais au- dessous de l’ouverture de la veille.
Si après un mouvement de hausse, une bougie noire enfonce le corps d’une bougie blanche au-dessous de son centre de gravité, il s’agit d’un nuage noir (kabuse).
Figure 1.11 – Un nuage noir après 20% de hausse
Après avoir formé une ligne perçante (cf. figure 1.10), GAZ DE FRANCE a repris le chemin de la hausse atteignant à l’ouverture du 1er septembre le niveau de 36,60€. Le gap haussier ouvert en début de séance est alors rapidement fermé, faisant apparaître à la clôture du marché une bougie noire qui enfonce le centre de gravité du corps blanc apparu la veille. Ce nuage noir donne une excellente photo de l’inversion du rapport de force entre les acheteurs et les vendeurs, signant le début d’un mouvement de baisse.
Les avalements
Si le choc psychologique est particulièrement violent, prenant à contre-pied les intervenants qui jouaient la tendance initiale, le marché peut alors clôturer nettement au-dessus de l’ouverture de la veille et former ce qu’on appelle un avalement haussier (tsutsumi). Cette deuxième variante de la contre-attaque, beaucoup plus aboutie, est particulièrement dévastatrice.
Figure 1.12 – Avalement haussier et baissier
Après la contre-attaque baissière et le nuage noir, le retournement de tendance peut être encore plus accentué si les cours clôturent au-dessous de l’ouverture de la veille. Sur le titre BNP, l’espoir d’un redressement des prix fin octobre est anéanti par la grande bougie noire du 1er novembre qui avale entièrement le corps blanc de la veille. Par la suite, la grande bougie noire du 9 novembre est entièrement avalée par une bougie blanche, formant ainsi un avalement haussier qui devrait mettre fin à la tendance baissière du titre.
Pour bien comprendre les implications psychologiques de cette figure, je vous conseille vivement de lire ou relire L’Argent, d’Emile Zola. Dans le chapitre VI, l’auteur y fait une magnifique description d’un avalement haussier, lorsqu’en milieu de séance, la Bourse de Paris apprend que l’Autriche cède la Vénétie à l’empereur et que la guerre est finie. En outre, la lecture de ce classique de la littérature française vous en apprendra bien davantage sur la psychologie boursière que nombre de manuels de finance comportementale !
Etoile du soir et du matin
Une étoile du matin ou du soir (hoshi) est une structure de retournement formée de trois bougies. Une étoile du soir apparaît en position haute avec une première partie composée d’un grand corps blanc suivi d’un bébé. Pour les puristes, ces deux corps ne doivent pas se toucher et faire gap entre eux (les mèches n’étant pas prises en compte). Toutefois, dans la pratique, je pense qu’il ne faut pas hésiter à prendre quelques libertés et faire une entorse à cette règle académique, en acceptant que le petit corps puisse pénétrer le grand corps qui le précède. L’étoile du soir n’est achevée qu’avec la troisième bougie : un corps noir qui pénètre bien le grand corps blanc précédent.
L’étoile du matin est souvent assimilée à la planète Mercure, visible un peu avant le lever du soleil, tandis que l’étoile du soir sera assimilée à la planète Vénus. De même, la symbolique du matin est associée au lever : le lever du soleil, le jour se lève, la nature entière s’élève tandis que le soir est associé au coucher : le soleil se couche, la nuit tombe.
Figure 1.13 – Alstom : étoile du soir… espoir pour les vendeurs
Sur ALSTOM, une étoile du soir met fin au mouvement de hausse qui avait permis au titre de progresser de près de 11% en moins de 15 jours. Dans cet exemple, le signal de baisse est renforcé par l’apparition d’un long corps noir de type Marubozu.
L’étoile du matin quant à elle, dessine la figure inverse. Elle indique donc que les baissiers n’ont plus de munitions et qu’ils ont commencé à faire l’objet d’une contre-offensive de la part des acheteurs. Dans les deux cas, si le bébé est un marteau, une étoile filante ou un doji, la figure de retournement n’en sera que plus efficace.
Figure 1.14 – AlcateL : étoile du matin… chagrin pour les vendeurs
La tendance baissière sur ALCATEL s’est achevée le 24 mars avec l’apparition d’une étoile du matin dont le bébé a pris la forme d’un marteau, ce qui en accroît la pertinence, c’est-à-dire la probabilité que le mouvement de hausse qui suit soit durable.
L’étoile du matin ou du soir fournit avec les trois figures précédentes les signaux de retournement les plus fiables du bestiaire des chandeliers japonais. Pour autant, si ces structures contribuent à donner l’alerte sur des modifications du rapport de force entre acheteurs et vendeurs et par conséquent sur l’éventualité d’un retournement du marché, elles ne permettent jamais d’en prédire l’ampleur. Je ferai remarquer que la plupart des études statistiques visant à estimer la fiabilité des signaux émis après l’apparition de ces figures, concluent à une efficacité au mieux égale à 55%, soit légèrement plus qu’un tirage à pile ou face.
Il n’ y a donc pas de « code secret » dans ces techniques. Il ne s’agit que d’une représentation visuelle des cours de Bourse ; dès lors, il est nécessaire de trouver de nouvelles clés de lecture et de nouvelles méthodes de traitement des données pour augmenter la fiabilité des prévisions chartistes. Après tout, Sokyu Honma n’a-t-il pas pris également le soin d’enregistrer systématiquement les conditions météorologiques et n’est-ce pas en combinant des éléments techniques et des éléments fondamentaux qu’il s’est formidablement enrichi, à moins que sa position de spéculateur et de producteur de riz ne lui ait permis de manipuler le marché et d’organiser des corners ?
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