Le langage des figures chartistes (2/4)
1.2 Les triangles symétriques
A certains moments, les oscillations des prix se mettent à converger et sont de plus en plus petites. S’il est possible de les enfermer toutes entre un support haussier et une résistance baissière, de telle sorte qu’il y ait au moins cinq points d’impact, on obtient la figure chartiste du triangle symétrique (cf. figure 7.4). Dans cette configuration graphique, les acheteurs se positionnent de plus en plus haut (support haussier) et de plus en plus bas pour les vendeurs (résistance baissière). Ces oscillations qui s’amortissent traduisent le combat que se livrent les acheteurs et les vendeurs, jusqu’à ce que l’un des deux groupes l’emporte et que les prix s’échappent par le haut ou par le bas du triangle.
Figure 7.4 – FOSTER’S GROUP 2004
Pour les puristes, la formation en triangle n’est significative que si les prix sortent de cette figure chartiste en un point situé entre les deux tiers et les trois quarts de la distance séparant la base de la pointe du triangle (apex).
Concernant les transactions, les volumes échangés au cours de la formation du triangle sont en moyenne beaucoup moins élevés que lors du mouvement qui a précédé la construction de ce type de figure, et sont tendanciellement orientés à la baisse. Enfin, lorsque les prix sortent par le haut ou par le bas du triangle, les volumes doivent augmenter. Concernant la prévision chartiste, faut-il parler de la probabilité que les prix ont à se diriger vers le haut ou vers le bas ? Qu’ils atteignent un niveau précis ? Ou encore de la probabilité qu’ils atteignent un niveau précis dans un laps de temps donné ? Une fois le triangle identifié puis le signal d’achat ou de vente déclenché, l’analyste utilise le pouvoir prédictif de cette figure chartiste pour déterminer le potentiel de hausse ou de baisse des prix. La règle utilisée est empirique et basée sur les observations des analystes qui ont constaté que le marché avait certaines dispositions à reproduire à la sortie d’un triangle, la hauteur de la base de cette figure. Je rappellerai que la base du triangle correspond au segment de droite vertical qui relie le premier point de contact du triangle à son côté opposé.
Figure 7.5 – Gold 2009
Dans un triangle symétrique, les volumes ont une propension à diminuer. De mars à septembre 2009, cette règle chartiste a pu se vérifier sur l’once d’or. A cette époque, le contrat à terme coté à Chicago a développé un triangle tandis que dans le même temps, l’application d’une droite de régression sur les volumes montre que ces derniers suivent une orientation baissière. Quand la phase de consolidation s’achève, la sortie du triangle par le haut s’accompagne d’une sensible augmentation des volumes. L’objectif de hausse peut alors être calculé en reportant la base du triangle (calculée en pourcentage) au point de sortie. Dans l’exemple de l’or, la base représente +20% ; ce pourcentage est appliqué au niveau de prix correspondant au franchissement de la résistance, soit 975$, ce qui donne un objectif à 1170$.
On lit souvent dans la littérature spécialisée que le triangle symétrique est avant tout une figure de continuation de tendance. En fait, et cette remarque est également valable pour l’ensemble des figures chartistes, tout dépendra du rapport entre les volumes haussiers et les volumes baissiers, observé pendant la formation de la figure. J’ai montré précédemment, et avec l’aide du modèle du Cobweb, que la construction de ce type de figure n’est pas fortuite, mais qu’elle se déroule selon un schéma très précis du mécanisme de fixation des prix.
Figure 7.6 – DSM
Nul besoin d’attendre le signal de sortie pour prendre position sur un titre qui développe un triangle. L’exemple de DSM en est la parfaite illustration. En effet, pendant tout le déroulement du triangle, l’OBV a augmenté de près de 20%, ce qui veut dire que pendant cette période les volumes haussiers ont été supérieurs aux volumes baissiers. Cette situation étant propre aux phases d’accumulation, j’anticipe comme scénario le plus probable, une sortie par le haut du triangle. Si l’OBV avait enregistré une baisse pendant la formation du triangle, j’en aurais déduit qu’il s’agissait d’une phase de distribution ; j’aurais alors anticipé une sortie baissière de la figure chartiste. Une fois le signal enclenché, je mesure la base du triangle que je reporte au point de sortie. Dans cet exemple, la base mesure +40% ; le point de sortie se situant à 21€, l’objectif théorique de hausse se situe autour de 29,5€. Rappelons qu’il s’agit d’un objectif minimum qui, lorsqu’il est atteint, constitue souvent un seuil de résistance passager. Toutefois, tant que l’OBV se maintient dans une dynamique haussière, le chartiste aura intérêt à conserver ses positions acheteuses.
Figure 7.7 – AVIVA 2007
Fin février 2007, AVIVA décroche brutalement et perd près de 13%. L’apparition d’un triangle symétrique quelques mois plus tard suggère une phase de consolidation, avec l’éventualité d’une sortie par le bas et d’une reprise de la dynamique baissière (rap- pelons que dans la littérature, le triangle symétrique est assimilé à une figure de continuation de tendance dans 75% des cas). Mais le chartiste, pour qui les relations entre les prix et les volumes constituent la clé de la compréhension des forces en présence, se serait quant à lui aperçu de la hausse de 60% de l’OBV au cours de la formation du triangle. Il en aurait alors déduit que le marché était dans une phase d’accumulation et que le titre allait très vraisemblablement repartir à la hausse. Une fois le signal déclenché, la base du triangle qui mesure +8% est reportée au point de rupture de la résistance, ce qui permet d’obtenir un objectif autour des 835£.
1.3 Les triangles ascendants et descendants
La différence entre un triangle ascendant ou descendant et un triangle symétrique réside dans le fait que l’une des deux lignes qui enferment les oscillations des prix est horizontale, tandis que l’autre reste oblique. Si c’est la résistance qui est horizontale et le support haussier, on parle de triangle ascendant. Dans une telle configuration, les acheteurs se positionnent de plus en plus haut tandis que les vendeurs restent au même niveau. La peur de manquer le départ de la hausse qui s’empare des acheteurs, les incite à ne pas mégoter sur les prix afin d’être sûrs d’être fournis en papier.
Figure 7.8 – ELECTRONIC ARTS
Dans un triangle ascendant, si les volumes se contractent au cours de la formation de cette figure chartiste, il est important de se souvenir que c’est le rap- port de force entre les acheteurs et les vendeurs qui constitue la clé d’une prévision boursière pertinente. Dans le cas d’ELECTRONIC ARTS, tandis que le titre reste bloqué sous les 10$, le fait que pendant ce temps l’OBV progresse de 33% constitue un sérieux indice de phase d’accumulation et donc de scénario de sortie haussière. Lorsque la résistance est franchie, je vérifie que le signal s’accompagne bien d’une augmentation des volumes supérieure à la normale, puis je calcule le potentiel de hausse théorique à partir de la base du triangle. Dans le cas présent, l’objectif se situe à 32$.
Dans le cas du triangle descendant, c’est-à-dire lorsque la résistance est baissière et le support horizontal, ce sont les vendeurs qui se positionnent de plus en plus bas. Les concessions qu’ils font ainsi sur les prix, témoignent de leur fébrilité et de leur crainte d’une poursuite de la baisse. Construction, évolution des volumes et objectif cible suivent les mêmes règles que pour le triangle ascendant.
Figure 7.9 – ALTRAN 2007
Lorsque le support d’un triangle descendant est enfoncé, l’objectif cible se détermine en reportant sa base au point de rupture. Dans l’exemple d’ALTRAN, la base du triangle correspond à une amplitude négative de -25%. Si on reporte cette variation au point de rupture du support (6€), le potentiel de baisse minimum se situe à 4,5€. Si ce niveau est enfoncé, je reporte une seconde fois la base du triangle, ce qui dans le cas d’ALTRAN donne un nouvel objectif à 3,37€, et ainsi de suite…. Je resterai à l’écart du titre tant que la pression vendeuse sera supérieure à la pression acheteuse et que l’OBV se maintiendra dans une dynamique baissière.
Bien que n’étant qu’une variante du triangle symétrique, le triangle ascendant ou descendant est une figure beaucoup plus fiable. Selon la littérature spécialisée, le triangle ascendant est haussier dans une proportion qui dépasserait 70% des cas, tandis que le triangle descendant est baissier dans la même proportion. Ces figures chartistes ne sont toutefois pas toujours des figures de continuation de tendance et peuvent apparaître en fin de cycle baissier pour le triangle ascendant ou en fin de tendance haussière pour le triangle descendant (cf. figure 7.10).
Figure 7.10 – FRANCE TELECOM 2002
Après une tendance haussière de septembre à novembre 2001, le titre FRANCE TELECOM amorce une phase de distribution en forme de triangle descendant. Le retourne- ment de tendance visible également sur l’OBV signifie que le rapport de forces devient favorable aux vendeurs. Lorsque le signal est déclenché et que les cours enfoncent le support du triangle, il convient d’avoir deux réflexes : il faut tout d’abord vérifier que la rupture du support s’accompagne d’une augmentation de la pression vendeuse ; puis il faut calculer le potentiel de baisse en reportant la base du triangle au point de sortie. Dans le cas présent, sachant que la base du triangle mesure 17,5% et que le support du triangle se situe à 28€, on en déduit un objectif de baisse à 23,1€.
1.4 Les triangles diagonaux
Appelés également biseaux ou wedges (en anglais), ils se présentent comme une variante du triangle, dont le support et la résistance sont orientés suivant la même tendance haussière ou baissière, mais avec une pente différente. Au sein de cette formation graphique, on peut observer de nombreuses fluctuations dont l’amplitude rétrécit au fur et à mesure que l’on s’approche de la pointe. Tout comme avec les triangles, il faut cinq points d’impact pour construire un biseau. Si les oscillations de prix continuent de monter, leur amortissement signale que les acheteurs éprouvent de plus en plus de difficultés à faire rebondir les prix sur le support. On sera alors en présence d’un biseau ascendant dont les implications seront baissières. Concernant les transactions, les volumes échangés au cours de la formation du biseau sont de plus en plus faibles. Enfin, lorsque les prix sortent par le bas du biseau ascendant, les volumes doivent augmenter.
Figure 7.11 – LVMH 2000
De janvier à août 2000, le titre LVMH continue de progresser mais avec des oscillations de plus en plus petites qui font apparaître un biseau ascendant. Alors qu’au cours du quatrième trimestre 1999, les prix et les volumes ont convergé à la hausse, ils ont divergé pendant le développement du biseau. En août 2000, lorsque les prix sortent par le bas de cette figure chartiste, les transactions augmentent à nouveau, ce qui témoigne de la présence d’une forte pression vendeuse et renforce ainsi la pertinence du signal. En reportant la base du biseau au niveau de sortie, on obtient un potentiel de baisse à 61,5€.
Si les fins de marché haussier sont souvent configurées en forme de biseau ascendant, il arrive également que le biseau ascendant traduise une période de consolidation, juste après un mouvement de baisse.
Figure 7.12 – MERCK & CO 2003
Après une chute de 55%, le titre MERCK & Co commence à se redresser à partir du mois de juin 2002. Le retracement de la tendance baissière prend la forme d’un biseau ascendant qui s’accompagne d’une diminution des volumes de transactions. Lorsque les prix sortent par le bas de cette figure chartiste, je vérifie que simultanément les volumes augmentent. Si c’est le cas, comme dans cet exemple, la probabilité que les prix atteignent l’objectif de baisse théorique est forte. Je mesure alors la base du biseau que je reporte au niveau de la sortie, ce qui donne ici un potentiel de baisse à 38$.
A l’opposé, si les fluctuations des prix s’amortissent tout en étant orientées à la baisse, le biseau sera descendant. L’amortissement du mouvement baissier et surtout la pente du support beaucoup plus faible que celle de la résistance, sont deux éléments qui indiquent que les vendeurs éprouvent de plus en plus de difficultés à faire baisser les prix. Mais l’élément déterminant est à rechercher dans le rapport entre les volumes haussiers et les volumes baissiers.
Figure 7.13 – RESEARCH IN MOTION 2002
Dans le cas du titre RESEARCH IN MOTION, la fin de la tendance haussière est configurée en biseau descendant. Après avoir vérifié que celui-ci passe bien par au moins cinq points de contact, il faut s’assurer que le rapport de force entre les vendeurs et les acheteurs s’inverse au profit de ces derniers : la divergence haussière de l’OBV confirme cette hypothèse. Lorsque les prix franchissent la résistance du biseau, il suffit de mesurer la base du biseau (+67%) et de la reporter au point de sortie pour obtenir l’objectif de hausse.
Si les biseaux descendants apparaissent fréquemment à la fin des tendances baissières, il arrive également que cette figure traduise une période de consolidation, et s’insère dans une tendance haussière.
Figure 7.14 – VINCI 2009
Après plusieurs mois de hausse, le titre VINCI subit des prises de bénéfices en formant un biseau descendant. Tandis que les prix empruntent un chemin baissier, le redressement de l’OBV indique que le mouvement de correction s’effectue sans pression vendeuse, ce qui est de bon augure pour la reprise de la tendance haussière. Lorsque les prix s’échappent par le haut du biseau après avoir parcouru au moins les deux tiers de cette figure chartiste, je vérifie que les volumes augmentent sensiblement. Cette augmentation de la demande renforce la pertinence du signal d’achat et le scénario d’une reprise de la dynamique haussière dont le potentiel de hausse est mesuré en reportant la base du biseau (+19%) au point de sortie.
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