Mesurer l’équilibre des volumes (4/4)
2 Les indices de participation
Qui a décrété un jour qu’il fallait toujours acheter un plus haut historique ? L’initiateur de cette règle contestable répondrait sans doute à mes objections qu’il y a toujours des exceptions qui confirment les règles, et que celle du 9 octobre 2007 en fait tout naturellement partie. Ce jour-là, le Dow Jones clôture sur un niveau jamais égalé auparavant. Cette information, largement fêtée à Wall Street, a fait la une de tous les journaux financiers. Pourtant, en y regardant de plus près, cette nouvelle n’était pas aussi porteuse d’espoir qu’elle y paraissait. Pour quelle raison ? Parce que si ce jour-là, l’indice a effectivement enregistré un plus haut annuel, ce n’était pas le cas de toutes ses composantes. Pour être plus précis, à l’heure où le Dow Jones toucha son sommet, 25 valeurs sur 30 avaient déjà enregistré un plus haut bien avant le 9 octobre et la baisse moyenne de ces 25 valeurs depuis leur plus haut ressortait à 5,1%. Seuls General Motors, Hewlett Packard, McDonalds, Procter & Gamble et Verizon ont permis à l’indice de réaliser son record !
Depuis les travaux de Charles Dow, les indices boursiers sont devenus le moyen par excellence pour appréhender l’évolution du marché. Ils se sont tellement généralisés que c’est à se demander si de nos jours ils ne sont pas plus nombreux que les actions qui sont cotées en Bourse ! Ces instruments statistiques ne prennent toutefois en compte qu’un nombre limité de valeurs. De plus, depuis que Standard Securities Corporation (devenu ensuite Standard & Poor’s) a lancé en 1923 le premier indice pondéré selon la capitalisation boursière, les actions ayant la plus forte capitalisation ont un poids important dans l’indice. A titre d’exemple, début octobre 2009, près de 40% de l’indice CAC40 était représenté par seulement cinq sociétés !
Or la question de savoir si la hausse ou la baisse est étalée ou limitée à seulement certaines composantes de l’indice est une information qui se révèle particulièrement intéressante. Il peut notamment arriver qu’un petit nombre de titres enregistrent de fortes fluctuations en hausse et contribuent ainsi, par leurs situations particulières, à faire monter l’indice alors que dans le même temps, la majorité des autres titres demeurent inchangés ou évoluent en sens contraire. Dans ce cas, est-il correct d’affirmer que le marché est bien orienté ? Sûrement pas, et l’exemple du marché américain au début de ce chapitre en est une parfaite illustration. Pour mettre en évidence la faiblesse intrinsèque des marchés, les techniciens utilisent des indicateurs spécifiques aux indices boursiers : les indices de participation.
1.1 Le Cumulative Advance/Decline Line
Pour compléter l’analyse d’un indice boursier et mieux comprendre sa dynamique, les techniciens ont mis au point toute une variété d’indicateurs de participation des actions. Il s’agit généralement d’instruments qui font intervenir une mesure simple de la participation, où chaque action a le même poids indépendamment de son importance effective dans son indice de référence. Le plus connu de ces indicateurs est assurément le Cumulative Advance-Decline Line (ligne cumulée des avancées et des déclins). Il est basé sur l’évolution de l’écart entre le nombre d’actions qui terminent la séance en hausse (Advance) et le nombre d’actions qui la terminent en baisse (Decline), selon la formule suivante :
Figure 6.19 – Nyse Cumulative A/D Line et indice Dow Jones
C’est le 9 octobre 2007 que l’indice Dow Jones clôture sur un plus haut historique à 14 164 points. La comparaison entre l’indice vedette de Wall Street et le Nyse Cumulative A/D Line (un indice de participation de l’ensemble des valeurs cotées sur le New York Stock Exchange) fait ressortir la présence d’une divergence baissière à partir du mois de juillet 2007. Autrement dit, entre juillet et octobre 2007, le mouvement de hausse de l’indice Dow Jones s’est accompagné d’une participation moins importante des valeurs du NYSE. Cette configuration est typique des fins de cycle haussier.
3.2 Le % Advance/Decline Line
Il est possible d’émettre sur le Cumulative AD Line les mêmes critiques que celles qu’on peut faire sur l’OBV. C’est pourquoi il est également intéressant d’adopter une vision relative de cet indicateur, en calculant séparément le pourcentage du nombre d’actions qui terminent la séance de Bourse en hausse et celui du nombre d’actions qui la terminent en baisse, tous les deux ramenés au nombre total d’actions. Plus précisément, il s’agit dans ce cas d’adapter les avantages du Money Flow Index dont j’ai parlé un peu plus haut aux Advances et aux Declines. Les deux courbes obtenues vont alors évoluer à l’intérieur d’une échelle comprise entre 0% et 100%.
Figure 6.20 – % Advances versus % Declines
Par construction, et en faisant abstraction du nombre d’actions inchangées, les deux courbes évoluent en sens contraire : lorsque le %Advances monte à 60%, le %Declines tombe à 40% et inversement. Les croisements entre les deux courbes ont lieu au niveau de la zone de neutralité située à 50%. Si le %Declines tombe au-dessous du %Advances, le nombre d’actions orientées en hausse est alors supérieur au nombre d’actions orientées en baisse, et inversement.
Alors que le Cumulative AD Line débouche sur une lecture analogue à celle de l’OBV, le % AD Line s’utilise et s’interprète comme le Money Flow Index.
Figure 6.21 – %AD Line et CAC40
En février 2009, le %AD Line retombe pour la première fois depuis février 2003 au-dessous du niveau des -30%. Plus précisément, il atteint un point bas à -42% ce qui signifie que 71% des actions de l’indice parisien sont orientées à la baisse, tandis que les 29 autres pourcents sont en hausse. Historiquement, il s’agit là d’une situation de marché survendu. Par la suite, le %AD Line amorce un redressement et franchit la ligne de neutralité en août 2009 ; au-dessus de cette ligne du zéro, les actions composant l’indice CAC40 sont majoritairement installées dans une tendance haussière, ce qui renforce la dynamique de l’indice. Ce n’est qu’au-dessus du seuil des 30% que l’indicateur de participation informera de l’état suracheté du marché parisien.
Il existe une multitude d’indicateurs de participation. On peut entre autres citer les New Highs et les New Lows, dans lesquels on s’intéresse aux titres qui ont enregistré un plus haut ou un plus bas annuel, habituellement sur les 52 dernières semaines glissantes. Les New Highs mesurent le pourcentage d’actions qui sont au plus haut sur un an, tandis que les New Lows se focalisent sur le pourcentage d’actions au plus bas. Dans un marché haussier, les News Highs doivent augmenter et les New Lows diminuer. En fin de panique, le nombre de New Lows est généralement très élevé, ce qui signifie que le marché est survendu.
Il y a également ceux qui sont construits à partir d’indicateurs techniques. C’est le cas notamment de celui qui mesure le pourcentage d’actions au-dessus de leurs moyennes mobiles à 200 jours. Et puis ceux qui mesurent le pourcentage de titres dont le RSI est supérieur à 70% ou inférieur à 30%, etc. Ils s’utilisent tous de la même manière : pour confirmer ou infirmer la tendance de l’indice général, mais également pour signaler les situations surachetées ou survendues.
Ces indicateurs de participation suivent la tendance de l’indice boursier en marquant la plus forte proportion d’actions au-dessus de leurs moyennes mobiles à 200 jours, à proximité des points hauts de l’indice, et le pourcentage le plus faible à proximité des creux de marchés. J’ajouterai, mais ce n’est pas une surprise, que le principe des divergences s’applique également dans l’interprétation de ces indicateurs.
Enfin, il est également possible d’aborder le problème de la participation sous l’angle sectoriel afin de déterminer si la hausse du marché est limitée à certains secteurs ou si elle se propage à l’ensemble de l’activité. L’objectif est précisément de mesurer le pourcentage des indices sectoriels qui sont en expansion et celui des indices qui sont en recul.
Je mets toutefois en garde le lecteur sur le fait que l’avance des indices de participation par rapport à l’indice général est très variable, de sorte qu’il est malaisé de tirer de ses points de retournement un timing précis concernant ceux de l’indice général ; on peut juste en déduire qu’un rattrapage surviendra à un moment ou à un autre. Je l’utilise surtout comme un moyen auxiliaire et complémentaire pour analyser la vigueur des fluctuations de certains indices boursiers tels que le CAC40 ou le Dow Jones.
Avant d’analyser un graphique et de réaliser une prévision, le chartiste veillera à ce qu’il soit toujours accompagné de l’histogramme des volumes ou d’un indicateur illustrant la relation entre les prix et les volumes, tel que l’OBV, le Money Flow Index ou un indicateur de participation si l’analyse porte sur un indice boursier.
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