Mesurer l’équilibre des volumes (2/4)
L’OBV n’est évidemment pas exempt de faiblesses. Du reste après avoir été très écouté au début des années 1970, Joe Granville a vu son aura décliner à la suite d’une série de moins bonnes prévisions. Bien que les divergences signalées par l’OBV soient particulièrement pertinentes, beaucoup lui ont en effet reproché le trop grand nombre de sommets et de creux de marché n’étant pas annoncés par cet indicateur, les faisant ainsi passer à côté de mouvements conséquents. Si une divergence entre l’OBV et les prix est une condition suffisante pour préfigurer un retournement de la tendance, il semble bien qu’elle ne soit pas une condition nécessaire !
Lors du marché baissier de 2007, très peu de divergences baissières sont apparues entre l’OBV et les cours de Bourse des actions du CAC40. Je citerai EDF, Essilor, GDF ou encore Société Générale. En 2009, lors de la fin de ce marché baissier, il y a eu également très peu de divergences haussières. Ce qui fait dire à beaucoup et non sans raison, que l’OBV est davantage un indicateur coïncident qu’un indicateur avancé. Même constat pour l’indice lui-même : sur les dix dernières années, la corrélation entre les variations de l’OBV et celles de l’indice CAC40 tourne autour des +70%, mais le coefficient chute radicalement quand il s’agit de mesurer le pouvoir prédictif de cet indicateur en calculant les décalages temporels (cf. figure 6.12).
1.4 Comment augmenter l’efficacité de l’OBV ?
Pour certains, la raison de cette insuffisance est à chercher dans la forme originelle de l’OBV qui ne tient pas compte de l’amplitude des variations de prix. Dès lors ne serait-il pas plus pertinent d’ajouter ou de retrancher plus de volumes quand le marché varie de 2% que quand il varie de 1% ? Pour d’autres, c’est l’absence de la prise en compte des variations intra-séance qui rend cet indicateur inefficace. Ce n’est en effet pas parce qu’un titre clôture en hausse qu’il n’a pas subi de pression vendeuse au cours de la séance, à l’instar de la ligne perçante ou de l’avalement haussier. Pour moi, c’est le fait que les volumes ne soient pas corrigés des variations saisonnières qui ôte à l’OBV de Granville une partie de sa pertinence.
L’OBV pondéré
Le Price-Volume Trend tient compte de la première remarque que j’ai émise précédemment. Il s’agit d’une amélioration de l’OBV de Joe Granville, apportée par David Markstein et publiée en 1972, dans son livre How to Chart Your Way to Stock Market Profits. L’idée consiste à pondérer l’OBV par les variations de prix. Cette solution a l’avantage de ne pas considérer uniquement le signe de la variation des prix, mais de tenir compte également de l’amplitude de leur variation. Ainsi, on ajoutera (ou on retranchera) moins de volumes si la variation des prix est de 0,5% que si elle est de 2%.
En reprenant l’exemple des ventes de logements anciens aux Etats-Unis (cf. figure 6.2), la valeur du PVT pour le mois de janvier 2008 ressort à -9804 (avec zéro comme valeur du PVT en décembre 2007). Pour le mois de février, le PVT est de -16209, et ainsi de suite… Dans les faits, il n’y a pas vraiment avantage à préférer le Price-Volume Trend à l’OBV de Granville. Parfois le premier fera ressortir une information que le second n’aura pas été à même de révéler, d’autres fois ce sera l’inverse. Il n’est donc pas redondant de visualiser les deux indicateurs en même temps.
L’OBV Intraday
Alors que l’OBV compare la clôture de la séance à celle de la précédente pour décider s’il faut ajouter ou retrancher les volumes échangés, l’Américain David Bostian a développé une variante de cet indicateur, appelée Intraday Intensity Index, et basée exclusivement sur la relation entre la clôture, l’ouverture, le plus haut et le plus bas. Cet OBV « intraday », par opposition à l’OBV « close to close », compare la position de la clôture par rapport au cours médian, selon la formule suivante :
C’est donc la position de la clôture par rapport au cours médian qui détermine non seulement s’il faut ajouter ou retrancher les volumes échangés pendant la séance, mais aussi dans quelle proportion. Si le marché clôture au-dessus du prix médian de la séance, les volumes seront considérés comme de l’accumulation et la masse des volumes qui devra être ajoutée dépendra alors du coefficient de pondération ; dans le cas extrême où la clôture est identique au plus haut, 100% du volume sera ajouté. Si la clôture est identique au prix médian, aucun volume n’est ajouté, ni retranché. Une clôture au-dessous du prix médian sera assimilée à une distribution ; plus le marché clôture près de ses plus bas, plus la distribution sera forte et plus le volume retranché sera important.
Figure 6.10 – OBV Intraday ou OBV de Granville ?
Je trouve pour ma part que l’OBV Intraday, de même que sa variante, l’indice d’accumulation/distribution créé et publié en 1972 par Larry williams, offrent plus d’inconvénients que d’avantages. Ils peuvent mener à des aberrations dans la mesure où un ti- tre peut très bien suivre de longues tendances haussières (ou baissières) avec des clôtures au-des- sous (au-dessus) du prix médian, sans que cela constitue un signe de faiblesse. S’il fallait trouver un seul exemple pour décrédibiliser l’OBV Intraday, celui de BNP-PARIBAS en 2008 serait parfait. Avec l’OBV Intraday qui progresse d’avril à octobre (en bas), on aurait pu s’attendre à ce que les prix sortent par le haut du canal ; ça n’a pas été le cas, et encore plus aberrant, alors que les prix s’écroulent de 60% en quatre mois, notre indicateur accélère à la hausse. Quant à l’OBV de Granville (au milieu), il est plus raisonnable et décrit beaucoup mieux la réalité : sa diminution quand les prix montent, traduit l’inversion du rapport de force entre les acheteurs et les vendeurs ; son accélération quand les prix chutent est le signe d’une forte pression vendeuse.
1.5 L’OBVGRAM
A mon avis et comme je l’ai dit plus haut, l’amélioration de l’OBV de Granville passe tout d’abord par une correction des variations saisonnières des volumes, notamment en ce qui concerne les fréquences infra-journalières lesquelles sont particulièrement touchées par ce phénomène (cf. chapitre 4). Ensuite, afin d’obtenir une meilleure estimation de la pression acheteuse et de la pression vendeuse qui se sont affrontées au cours d’une séance de Bourse, je décompose la séance sur une échelle de temps inférieure. Si je veux analyser les prix en données quotidiennes et calculer l’OBV sur cette fréquence, je regarde ce qui s’est passé sur une échelle horaire, voire je considère une fréquence encore plus petite pouvant aller jusqu’au tick. J’obtiens ainsi une nouvelle variante de l’OBV de Granville que j’ai nommée OBVGRAM.
Prenons l’exemple de l’action Total lors de la journée du 21 octobre 2009. Lors de cette séance où il s’est échangé 7,384 millions de titres, la valeur a enregistré un gain de +0,53% par rapport à la clôture de la veille. Un technicien qui calculerait l’OBV de Granville devrait ainsi ajouter à l’OBV de la veille, le nombre total de titres échangés le 21 octobre, soit 7,384 millions. Un autre qui se servirait du Price Volume Trend devrait multiplier par 1,0053 ces 7,384 millions pour les ajouter au PVT de la veille, soit 7,423 millions.
Enfin, celui qui préférerait adopter l’OBV Intraday devrait, en plus du cours de clôture, s’enquérir du plus haut, du plus bas et du cours d’ouverture, et appliquer la formule vue plus haut. Il devrait alors, dans le cas de la journée du 21 octobre, ajouter à l’OBV Intraday de la veille, 67,9% des 7,384 millions de titres, soit 5,013 millions. Maintenant regardons l’évolution de Total sur cette journée avec une échelle horaire (cf. figure 6.11), et que constate-t-on ?
Figure 6.11 – TOTAL en données horaires
Après une ouverture en légère hausse par rapport à la clôture de la veille, Total a pris le chemin de la baisse pendant toute la matinée, allant jusqu’à perdre 1,7% peu avant 13 heures. Puis le titre a amorcé une remontée qui s’est accélérée avec l’ouverture en hausse de Wall Street, et qui lui a permis de regagner tout le terrain perdu pendant la matinée. A partir de 17 heures et jusqu’au fixing de 17h35, Total s’est stabilisé pour finir en très légère baisse par rapport à la clôture de 17 heures.
Sur les neuf plages horaires de la séance de Bourse du 21 octobre 2009, il y en a cinq qui ont été haussières, représentant 56% du volume total échangé, soit 4,139 millions de titres. Quant aux quatre heures de baisse, elles ont représenté 44% du volume total, soit 3,245 millions de titres. En appliquant ce raisonnement sur une échelle encore plus petite, en prenant des plages de 30 minutes, de 5 minutes ou mieux encore, en analysant la relation prix et volumes tick par tick, on obtient des mesures de la pression acheteuse et de la pression vendeuse encore plus précises.
Figure 6.12 – Indice CAC40 et OBVGRAM
Il n’y a pas photo, les phénomènes de divergence avec les prix sont beaucoup plus fréquents avec l’OBVGRAM qu’avec l’OBV de Granville. L’exemple de l’indice CAC40 lors de la crise des subprimes en est une illustration. On y distingue tout d’abord une divergence baissière entre décembre 2006 et juillet 2007, laquelle indique un essoufflement de la pression acheteuse. Puis l’OBVGRAM accompagne la chute de l’indice jusqu’en décembre 2008 où il commence à se redresser tandis que l’indice poursuit sa chute en janvier et février 2009. Cette divergence haussière indique un affaiblissement de la pression vendeuse, ce qui annonce l’inversion du rapport de force entre les vendeurs et les acheteurs.
Source : Jérôme Boumengel
L’allure des corrélogrammes de l’OBV de Granville et de l’OBVGRAM permet également de mieux comprendre pourquoi l’utilisation du second est plus efficace que celle du premier (cf. figure 6.13). Rappelons que le corrélogramme entre deux séries chronologiques représente les différentes valeurs de leur coefficient de corrélation lorsque les deux séries sont décalées. Dans notre cas, il s’agit de mesurer la corrélation entre les variations de l’OBV en t et celles du CAC40 en t, t+1, t+2, … jusqu’à t+15. Puis de faire les mêmes calculs avec les variations de l’OBVGRAM et du CAC40. Le niveau des coefficients en fonction du retard permet de construire les corrélogrammes pour l’OBV et l’OBVGRAM. Les calculs sont faits sur la période de 2002 à 2009.
Dans le cas de l’OBV de Granville, on peut constater que la corrélation est la plus forte lorsqu’il n’y a pas de décalage avec les variations du CAC40. Le coefficient atteint alors 65% puis il chute fortement lorsqu’on intègre des décalages, pour se stabiliser autour de 0. Avec le corrélogramme de l’OBVGRAM, le coefficient atteint son maximum à 51% pour un retard de 10 semaines, alors que sans décalage, le coefficient est nul. La conclusion qui s’impose est que l’OBVGRAM possède un meilleur pouvoir prédictif que l’OBV de Granville ; il a une avance moyenne de 10 semaines sur l’évolution de l’indice CAC40.
Figure 6.13 – Corrélogramme de l’OBV et de l’OBVGRAM
Source : Jérôme Boumengel
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