Mesurer l’équilibre des volumes (1/4)
Je ne le répéterai jamais assez, mais l’idée sous-jacente à toutes les méthodes d’analyse technique est particulièrement simple. Elle repose sur la constatation que les variations de prix sur les marchés financiers sont avant tout le fruit d’une confrontation entre des acheteurs et des vendeurs. Peu importe la façon dont ces protagonistes prennent leurs décisions, qu’ils soient rationnels ou non. Seule compte l’étude des interactions entre l’ensemble des décisions de vente et d’achat au travers du prisme de l’offre et de la demande. Il s’agit donc de comprendre la formation des prix en analysant le comportement des acteurs du marché. Il n’y a donc pas de meilleure définition de l’analyse technique que celle qui la désigne comme l’ensemble des méthodes permettant de détecter les changements dans la relation entre l’offre et la demande. Dès lors, il s’agit d’analyser comment se déplacent dans le temps les courbes d’offre et de demande, comment évolue leur équilibre et comment se modifie leur élasticité. Si cet objectif passe nécessairement par l’étude de la relation prix-volume, la difficulté de lecture des volumes, issue de la représentation en histogramme, requiert le passage par de nouveaux indicateurs.
Ainsi plus que le niveau des volumes échangés, ce qui compte avant tout c’est le rapport de force entre les acheteurs et les vendeurs. Pour qu’une tendance haussière ait toutes les chances de se poursuivre, il ne suffit pas en effet qu’elle soit accompagnée d’une augmentation des volumes. Ce qui est nécessaire, c’est qu’elle se développe avec des volumes élevés les jours où les prix montent, et avec des volumes plus faibles lorsque les prix baissent. Il faut vérifier que le rapport entre les volumes haussiers et les volumes baissiers soit favorable aux premiers, c’est-à-dire que la pression acheteuse demeure supérieure à la pression vendeuse pendant tout le déroulement de la tendance. Si l’on constatait une inversion de ce rapport, cela voudrait dire que le mouvement de hausse est arrivé à son terme. Un retournement de tendance sera donc synonyme d’une modification de l’équilibre entre les forces d’achat et les forces de vente. Selon le raisonnement inverse, quand les prix sont installés dans une dynamique baissière, et si les échanges sont plus étoffés les jours où les prix baissent et moins élevés les jours de hausse, alors le trend baissier aura davantage de chances de se poursuivre. Dans un marché baissier, la pression vendeuse devra donc toujours rester en moyenne supérieure à la pression acheteuse.
1 Tout savoir sur le « On Balance Volume »
Le premier analyste qui ait contribué significativement à la réflexion sur les relations entre les prix et les volumes de transactions a été Franck Vignola dont les travaux ont été repris par Joseph Granville, dit Joe Granville. Celui-ci popularisa dans son livre Granville’s New Key to Stock Market Profits, l’astucieux concept développé par Vignola, en le baptisant « On Balance Volume ». Cet indicateur a permis à l’analyse technique de franchir ce que je considère comme l’étape primordiale dans la compréhension de la formation et de l’anticipation des fluctuations boursières. Il faut dire que jusqu’à l’élaboration de l’OBV, l’utilisation des volumes était exclusivement basée sur le graphique en histogramme, avec tous les inconvénients de lecture que j’ai déjà cités. L’astuce de ce nouvel indicateur repose sur la décomposition des volumes selon que la séance se termine par une hausse ou par une baisse.
Figure 6.1 – Les avantages de L’OBV
Après plusieurs mois de baisse et une phase de stabilisation entre 80$ et 100$, le titre APPLE s’engage dans une tendance haussière à partir du mois de mars 2009. L’utilisation d’une droite de régression linéaire sur l’histogramme des volumes, entre le mois de mars et le mois de juin, montre que ceux-ci décroissent au fur et à mesure que les prix montent. Un analyste qui utiliserait cette seule information en déduirait que la hausse est fragile. En toute logique chartiste, il interpréterait alors ce mouvement comme une phase de reprise technique dans un marché baissier, s’attendant à ce que les prix repartent à la baisse. Mais la prise en compte de l’OBV (indicateur du bas) invalide cette analyse : si l’observation de l’histogramme indique que les volumes diminuent, la hausse de l’OBV suggère quant à elle que la pression acheteuse est supérieure à la pression vendeuse. La tendance haussière engagée depuis le mois de mars est donc solide.
1.1 Calcul et signification de l’OBV
L’intérêt de l’OBV réside dans ce qu’il permet de quantifier dans le temps la pression acheteuse (PA) et la pression vendeuse (PV) qui s’exercent sur le marché. La première est assimilée aux volumes cumulés lors des séances de hausse (VH), tandis que la seconde est assimilée aux volumes cumulés pendant les séances de baisse (VB).
Le On Balance Volume se définit alors comme la différence entre la pression acheteuse et la pression vendeuse, ce qui donne la formule bien connue suivante :
Lorsque la courbe de l’OBV augmente, cela signifie que la pression acheteuse est supérieure à la pression vendeuse. En effet, si la courbe monte, c’est bien parce que l’on ajoute proportionnellement plus de volume lors des séances qui clôturent en hausse qu’on en retranche lors des séances baissières. Inversement, lorsque cette courbe décroît, c’est parce qu’il y a moins de volume pendant les séances de hausse, et plus de volume lors des séances de baisse ; la pression vendeuse l’emporte alors sur la pression acheteuse.
Figure 6.2 – Calcul de l’OBV sur les ventes de logements anciens
A la date de départ du calcul et par convention, les volumes haussiers et les volumes baissiers sont identiques et égaux aux ventes de logements (colonne D, E et F, ligne 2), ce qui confère à l’OBV une valeur nulle. Le mois suivant, on regarde la variation des prix par rapport au mois précédent (colon- ne C, ligne 3) ; dans le cas pré- sent, les prix ont baissé, ce qui permet d’ajouter le niveau des ventes de logements du mois de janvier (colonne D, ligne 3) aux volumes baissiers cumulés du mois de décembre, etc…
Figure 6.3 – Représentation graphique de L’OBV
Le graphique de gauche montre l’évolution de la pression acheteuse et vendeuse sur les ventes de logements anciens pour l’année 2008. En calculant la différence entre ces deux courbes, on obtient l’OBV que l’on superpose à la courbe des prix des ventes de logements anciens (graphique de droite).
1.2 Comment interpréter l’OBV ?
Il faut tout d’abord préciser que ce n’est pas la valeur de l’OBV qui est utilisée dans l’interprétation de cet indicateur, mais l’évolution de sa courbe. Dans la pratique, on compare l’évolution de la courbe de l’OBV avec celle des prix, selon le principe de convergence et de divergence que j’ai résumé dans le tableau suivant :
Dans une tendance baissière, si les prix enregistrent de nouveaux plus bas, il devrait en être de même pour l’OBV (6), et inversement si les prix atteignent de nouveaux plus hauts (1). Ces deux configurations sont alors synonymes de solidité de la tendance. Dans le premier cas, la convergence haussière entre les deux courbes augmente la probabilité que la dynamique du mouvement se poursuive à la hausse, tandis que dans le second cas, c’est la dynamique baissière des prix qui voit s’accroître ses chances de se poursuivre.
Mais si les deux courbes divergent, cette situation doit alerter le technicien sur un changement de perception des investisseurs à l’égard du marché ou du titre considéré. Si une divergence baissière apparaît (2), cette configuration signifie que le rapport de force, favorable jusque- là aux acheteurs, est en train de s’inverser au profit des vendeurs. La probabilité devient alors forte que le mouvement de hausse s’achève et laisse la place à une tendance baissière. Dans le cas de la divergence haussière (5), le raisonnement est inverse, ce qui permet d’en conclure la fin prochaine de la dynamique baissière des prix.
Quand le marché est sans tendance, l’orientation de l’OBV per- met de déduire le sens dans lequel les prix vont sortir, une fois la période d’hésitation terminée ; si l’OBV progresse, le marché est dans une phase d’accumulation et les prix devraient suivre le chemin de la hausse (3). Si l’OBV baisse, cela signifie que le volume est plus important dans les phases baissières du range ; il s’agit d’une phase de distribution qui devrait se traduire par une baisse des prix (4).
Figure 6.4 – Divergence et convergence haussières
Fin février, TESCO touche un nouveau plus bas, alors que l’OBV se redresse. Cette divergence haussière montre que les volumes échangés pendant les jours de baisse sont inférieurs à ceux des jours de hausse, ce qui définit techniquement une phase d’accumulation. Quelque temps plus tard, d’avril à juin, les prix atteignent de nouveaux plus hauts, ce qui est également le cas pour l’OBV. Cette configuration graphique en convergence haussière indique que la pression acheteuse est toujours supérieure à la pression vendeuse : on en déduit que la probabilité reste élevée que la dynamique des prix se poursuive à la hausse.
Figure 6.5 – Divergence et convergence baissières
Fin novembre 2007, on constate que MERCK & CO enregistre un nouveau plus haut, alors que l’OBV régresse. Cette divergence baissière montre que les volumes des jours de baisse sont supérieurs à ceux des jours de hausse, ce qui traduit une phase de distribution. Quelque temps plus tard, à partir de 2008, les prix touchent de nouveaux plus bas, ce qui est également le cas pour l’OBV. Cette configuration graphique en convergence baissière indique que la pression vendeuse est supérieure à la pression acheteuse : la probabilité est forte que la dynamique des prix se poursuive à la baisse.
1.3 Les avantages de l’OBV sur les autres indicateurs
Le premier des avantages est que l’OBV n’est pas un indicateur paramétrique. La courbe obtenue ne dépend d’aucun paramètre choisi pour le calcul, ce qui élimine toute possibilité de manipulation : on ne peut pas prendre ses désirs pour des réalités et faire apparaître ce qu’on a envie de voir !
Le deuxième avantage, c’est qu’en détectant l’émergence d’une pression acheteuse ou vendeuse, l’OBV est le seul outil technique qui permette efficacement d’anticiper le franchissement d’un seuil technique et le départ d’une tendance.
Figure 6.6 – Franchissement de résistance, volumes et OBV
Sur le graphique de gauche, on constate que le titre PPR a franchi la résistance à 72,25€ avec une augmentation des volumes. On pourrait ainsi penser que le mouvement de hausse qui vient d’apparaître a toutes les chances de porter les prix jusqu’à 74,25€ (objectif de hausse déterminé par la règle de la balançoire). Mais la stagnation de l’OBV (en bas, à droite) permet de douter de l’issue heureuse de ce scénario. Dans la mesure où l’OBV ne confirme pas la tendance des cours, le mouvement de hausse des prix est fragilisé.
Figure 6.7 – Résistance, volumes et OBV
Forte résistance à 40€ sur le titre DSM, mais le dernier mouvement de hausse pourrait faire penser à une consolidation avant son franchissement. La lecture de l’OBV (à droite, en bas) témoigne au contraire que la pression acheteuse est de plus en plus faible tout au long des derniers mouvements de hausse.
Le troisième avantage, et non le moindre, c’est que l’OBV ne ment jamais. Je veux dire par là que lorsqu’il lance un signal, ce dernier n’est que très rarement mis en défaut. Quand cela arrive c’est en général parce qu’une information non anticipée tombe sur le marché, ce qui est loin d’être le cas pour les indicateurs de vitesse et d’accélération. C’est bien entendu parce qu’il utilise les volumes de transactions que l’OBV est sensiblement plus pertinent et qu’il se démarque très nettement des indicateurs basés uniquement sur le comportement des prix passés.
Figure 6.8 – MACD ou OBV ?
Contrairement à ce que certains analystes voudraient faire croire, une divergence sur les indicateurs techniques n’annonce nullement un retournement de tendance sur les prix. Ce n’est pas surprenant puisque ce type d’indicateurs n’est pas construit pour mesurer l’évolution du rapport de force entre acheteurs et vendeurs. Ceux qui, fin décembre 2008, ont acheté l’action BNP sur la base du signal donné par son MACD (graphique du milieu) en savent quelque chose puisque le titre a rechuté de près de 40% dans les semaines qui ont suivi. L’observation de l’OBV (graphique du bas) qui continuait de converger à la baisse aurait pu leur permettre de tempérer leurs ardeurs et de rester à l’écart du titre.
Figure 6.9 – RSI ou OBV ?
Voici, à titre d’illustration, un autre exemple des dangers d’utiliser des indicateurs basés uniquement sur les prix. En bas, le RSI sur le CAC40 en 5 minutes lors de la journée du 6 octobre 2009, montre une divergence baissière de 12 heures à 15 heures, ce que contre- dit l’OBV qui continue d’évoluer sur une tendance haussière, même si celle-ci est moins prononcée qu’au début de la séance. Le mouvement de stabilisation de l’indice au sein d’un canal horizontal doit alors s’interpréter comme une phase d’accumulation au sein de laquelle il s’échange davantage de volumes quand les prix montent que lorsqu’ils bais- sent. Il faut donc s’attendre à ce que l’indice CAC40 en sorte par le haut, ce qui se réalise vers 15h30. A partir de 16h une nouvelle divergence baissière est visible sur le RSI alors que l’OBV accélère son mouvement de hausse, confortant ainsi la progression de l’indice qui terminera la journée sur un gain de 2,59%.
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