Article 13 : Typologie des volumes : le cas des marchés à terme et la problématique des variations saisonnières.

L’indispensable volume d’échanges (2/4)

 

 

1.2 Le cas des marchés à terme

 

Les contrats à terme

 

En l’absence de volumes sur les marchés au comptant, pourquoi ne pas aller voir ce qui se passe sur les marchés à terme ? Toutes les études font en effet état d’une excellente corrélation entre l’évolution des échanges sur les marchés au comptant et les transactions réalisées sur les marchés à terme.

 

 

Figure 4.4 – Volumes sur les futures et sur le comptant

 

En guise d’exemple, le titre BBVA est coté à la fois au comptant et sur le marché à terme. Le coefficient de corrélation entre le nombre de contrats échangés sur le marché à terme (en bas, à gauche) et les volumes de transactions sur le Madrid Stock Exchange (en bas à droite) ressort à 0,88 sur la période allant de 2005 à 2008.

 

On prendra toutefois certaines précautions avec les statistiques portant sur les contrats à terme en raison notamment d’une forte saisonnalité induite par les changements d’échéances. En effet, s’il y a généralement plusieurs échéances traitées sur un future, dans la pratique l’échéance la plus proche représente en moyenne et à elle seule près de 90% des transactions. A l’approche de l’échéance, généralement quelques jours avant, ce pourcentage s’effondre car les investisseurs qui désirent conserver leurs couvertures ou les spéculateurs qui souhaitent conserver leurs positions, vont les « rouler » sur l’échéance suivante.

Ce problème de changement d’échéances, s’il a peu de conséquences sur les prix, se traduit par d’importantes perturbations sur les volumes de la nouvelle échéance, ce qui rend la lecture des échanges sur ce type de marché difficile. Cette situation provoque alors un gonflement cyclique des volumes qui peut donner lieu à des erreurs d’interprétation. Faut-il pour autant abandonner toute hypothèse de recours aux volumes sur les contrats à terme ? Non car les problèmes induits par la spécificité des contrats à terme peuvent se résoudre en déterminant à quel moment il est opportun de basculer sur l’échéance suivante. La solution la plus simple et la plus rigoureuse consistant à le faire dès que les volumes traités sur l’échéance suivante deviennent supérieurs à ceux de l’échéance précédente.

 

 

Figure 4.5 – Volumes retraités et non retraités sur le future CAC40

 

Sans retraitement, on constate l’apparition de pics sur les volumes autour du 16 de chaque mois (en bas à gauche). En retraitant les données, on constate que cette cyclicité disparaît (en bas, à droite), ce qui permet d’exploiter en toute confiance les transactions sur les contrats à terme pour analyser le future CAC40.

 

 

L’open interest

 

Parce que contrairement aux marchés au comptant, les marchés à terme sont des jeux à somme nulle, la logique de ces deux marchés est quelque peu différente. Quand un investisseur enregistre une plus-value sur le marché des actions, ce n’est pas forcément au détriment d’un autre investisseur et l’argent gagné par l’un n’est pas obligatoirement perdu par l’autre. En revanche sur les marchés à terme, quand un investisseur engrange une plus-value, il y en a forcément un autre qui subit une perte du même montant. Cette différence s’explique par le fait que les contrats à terme ont une durée de vie limitée et que les positions doivent être débouclées avant l’échéance, tandis qu’un investisseur sur le marché des actions peut conserver indéfiniment ses positions.

Cette spécificité des marchés à terme se traduit notamment par l’existence d’une troisième variable : la position ouverte (open interest). Celle-ci représente l’ensemble des contrats initiés à l’achat ou à la vente, qui n’ont pas encore fait l’objet d’un débouclement de position (soit par une opération en sens inverse, soit par l’exercice du contrat). Autrement dit, il s’agit du nombre total de contrats en circulation à un moment donné, généralement après la clôture de la séance.

 

 

Figure 4.6 – Information sur le CAC40 Index Future

 

La position ouverte (P.O.) est une donnée publiée avec un jour de retard et correspond à toutes les échéances d’un même contrat.

Source : Euronext

 

Il n’est guère possible de cerner la logique des positions ouvertes si on ne garde pas à l’esprit le fait que les contrats à terme sont créés à partir de l’effet de levier constitué par le déposit des opérateurs. Pour schématiser, c’est un peu comme quand les banquiers créent de la monnaie en octroyant davantage de crédits aux ménages ou aux entreprises qu’ils n’ont de fonds propres. Par exemple, si vous anticipez une baisse du CAC40 et que vous vendez 20 futures FCE, alors la position ouverte globale sera augmentée de 20. Si le lendemain vous en rachetez 5, la position globale sera diminuée de 5, et ainsi de suite…

 

 

Figure 4.7 – Brent Crude Oil, juin 2008

 

Dans la mesure où la position ouverte doit être prise en compte avec les prix et les volumes, elle est habituellement représentée sur le même graphique que l’histogramme du nombre de contrats échangés.

Source : tradingcharts.com

 

Avant d’effectuer une analyse à partir d’un système de flux d’informations, il convient de s’assurer que les volumes sont convenablement retraités. C’est beaucoup de travail, me direz-vous ; j’en conviens et c’est très certainement pour cette raison que la plupart des techniciens éludent fort allègrement cette variable. Ils ont tort, la pertinence de l’analyse est à ce prix.

 

 

1.3 La problématique des variations saisonnières

 

Quand on recense les problèmes liés à l’utilisation des volumes, il y en a un qui est généralement passé sous silence par un grand nombre d’auteurs, celui lié à la saisonnalité des échanges. A l’origine, le terme saisonnalité est intimement lié à l’influence des variations climatiques sur l’activité économique et sociale. Un exemple bien connu est celui des ventes de crèmes glacées dont les variations se reproduisent chaque an- née aux mêmes périodes : les ventes augmentent massivement durant l’été et diminuent sensiblement au cours de l’hiver.

La production et les échanges de denrées agricoles suivent également des variations saisonnières plus ou moins prononcées selon le type de produits. Octobre et novembre correspondent souvent à une période sensible pour le blé, dans la mesure où les acheteurs potentiels préfèrent attendre les nouvelles de l’hémisphère Sud pour se déterminer. Une période de sécheresse en Australie ou en Argentine se traduira généralement par une hausse des prix du blé sur les marchés à terme de Chicago. Autant dire que ce type d’informations est crucial pour celui qui souhaite intervenir sur les marchés des denrées agricoles.

Concernant les marchés boursiers, et en dépit de certains dictons, la saisonnalité est très peu présente sur les prix des actions. En revanche, les volumes d’échanges sont soumis à de fortes variations saisonnières. Des facteurs institutionnels attribuables aux conventions sociales ou aux règles administratives, tels que les jours fériés, les vacances estivales ou encore la « trêve des confiseurs » produisent en effet des mouvements répétitifs sur les volumes de transactions. Il y a par exemple près de 20% de transactions en plus en septembre qu’en février (par jour ouvré). Cette différence qui existe entre les mois de l’année se retrouve également entre les jours de la semaine : comparé au lundi ou au vendredi, il y a en moyenne 10% de volumes échangés en plus le mardi. Et que dire des facteurs saisonniers particulièrement prononcés dans les transactions infra journalières (cf. figure 4.8) ?

Il y a également des facteurs saisonniers propres aux marchés boursiers, à l’instar de la fameuse « journée des trois sorcières » où expire simultanément la plupart des contrats à terme et des options. Aux Etats-Unis, cette séance de Bourse a lieu quatre fois par an, le troisième vendredi du troisième mois de chaque trimestre (mars, juin, septembre et décembre). Ce jour-là, les intervenants sur ces différents contrats doivent obligatoirement déboucler leurs positions, soit en les revendant, soit en les exerçant. Dans ce second cas, ils doivent livrer ou racheter les actions physiques liées à ces contrats futures ou d’options. Par exemple, un vendeur de calls qui se fait exercer devra impérativement se procurer les actions correspondantes pour pouvoir les livrer et honorer ainsi ses engagements, ce qui contribuera mécaniquement à augmenter les volumes de transactions de la séance de Bourse.

En France, ce phénomène de gonflement artificiel des volumes lors de l’expiration des différents contrats sur produits dérivés, intervient le troisième vendredi de chaque mois, entraînant en moyenne une augmentation d’un tiers des transactions boursières par rapport à une séance normale. Ainsi, en dopant anormalement le volume des transactions boursières, ces journées vont contribuer à polluer la série chronologique.

Dans la mesure où certaines périodes de l’année, de la semaine ou même de la journée, donnent lieu à davantage de transactions que d’autres, il est nécessaire de corriger les volumes de transactions de leurs variations saisonnières. Pourquoi ? Parce que ne pas procéder à une correction de cette saisonnalité, c’est s’exposer au risque d’aboutir à une analyse elle-même saisonnière qui par conséquent mènerait à des conclusions erronées. Avec une série très saisonnière, on a en effet toujours l’impression que les hausses ou les baisses ont lieu à la même date, ce qui biaise inévitablement la perception que l’on peut avoir du phénomène à analyser.

 

 

Figure 4.8 – Saisonnalité intraday des volumes du CAC40

 

Sur les volumes infra journaliers de l’indice CAC40, la saisonnalité se manifeste de façon assez évidente. Il y a en moyenne deux fois plus de transactions tôt le matin qu’à l’heure du déjeuner, mais deux fois moins qu’en fin de séance. Aussi, pour éviter que les analyses mènent à des conclusions erronées, un vrai professionnel de l’analyse technique doit faire abstraction de cette saisonnalité et corriger en conséquence les volumes de leurs variations saisonnières.

Source : Jérôme Boumengel

 

Comment savoir par exemple si une reprise estivale est solide malgré les faibles volumes échangés habituellement à cette époque de l’année ? Comment interpréter la rupture d’un support en fin d’après-midi ? S’explique-t-elle par « l’heure de pointe » qui caractérise habituellement cette période de la journée, ou par l’apparition d’une véritable pression vendeuse ? Dans le premier cas, le signal pourra rapidement être invalidé, tandis que dans le second cas, le technicien ne devra pas le prendre à la légère. La correction des variations saisonnières facilite grandement les comparaisons à travers le temps.

Avant toute chose, la série brute des volumes se doit d’être ajustée au nombre de séances de Bourse. Pour pouvoir comparer des mesures de flux comme les transactions boursières, le technicien de marché doit en effet s’assurer qu’elles se rapportent bien à des périodes de temps de même durée. Or les mois ou les semaines n’ont pas forcément tous le même nombre de séances de Bourse : par exemple, le mois d’avril 2009 a compté 20 séances contre 22 pour le mois précédent, soit environ 9% de séances de moins qu’en mars. Une diminution des volumes de 5% en avril par rapport à mars cache en réalité une hausse des échanges quotidiens de l’ordre de 4,5%. Ce problème des jours ouvrables se corrige très facilement par une simple règle de trois. La préparation des données à désaisonnaliser peut également porter sur la correction des valeurs aberrantes (cf. figure 4.9).

 

 

Figure 4.9 – Graphique de Buys-Ballot

 

Le graphique ci-dessous reprend les données horaires du graphique 4.8 mais en les présentant sous une forme différente, à partir d’un tableau de Buys-Ballot où les colonnes représentent les heures tandis que les lignes représentent les jours. Cela permet d’établir un graphique sur lequel on superpose les courbes relatives aux différents jours de Bourse. Les statisticiens conseillent de faire abstraction des volumes anormaux, notamment ceux provoqués par l’arrivée d’une information de premier plan. Dans l’exemple choisi, on peut constater que sans la publication des chiffres du chômage américains, le 8 janvier à 14h30, les courbes du graphique de Buys-Ballot seraient parfaitement superposées. La correction des valeurs aberrantes se fait habituellement par une simple interpolation linéaire, et c’est sur ces volumes ainsi retouchés que se fera la correction des variations saisonnières.

 

 

 

J’ai déjà précisé qu’une série chronologique pouvait se dissocier en au moins trois composantes (cf. chapitre 3) : une tendance, une composante saisonnière et une composante aléatoire. Désaisonnaliser signifie tout simplement extraire la composante saisonnière de la série chronologique. Cette procédure requiert l’utilisation de techniques mathématiques plus ou moins évoluées, qui reposent toutes sur le fait que par définition, la somme des effets saisonniers est nulle sur l’intervalle de temps considéré, autrement dit, les facteurs saisonniers n’ont pas d’effet sur la tendance.

 

 

Figure 4.10 – Volumes corrigés des variations saisonnières

 

Le graphique ci-dessous représente les volumes horaires du Cac40 (cf. figure 4.8) après cor- rection des variations saisonnières. Sans de tels ajustements, il est extrêmement difficile de comparer chaque volume horaire avec le précédent.

 

 

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