Article 10 : Le concept de l’oscillateur

Les oscillateurs (2/3)

 

 

2 Le concept de l’oscillateur

 

Ces outils techniques reposent sur le principe psychologique d’action et de réaction qui stipule que chaque fois qu’un comportement se développe jusqu’à son extrême, il subit un mouvement inverse qui le transforme en son contraire. Pour l’analyste technique, ce principe est également présent sur les marchés financiers : face à des prix qui s’écartent trop de leur niveau moyen, une force « invisible » pousse un nombre de plus en plus grand d’acheteurs ou de vendeurs à intervenir.

Tous nous avons pu constater que les investisseurs et les spéculateurs présents sur les marchés boursiers avaient une propension naturelle à amplifier et accentuer les variations des phénomènes économiques et monétaires, créant ainsi des phénomènes de bulles spéculatives, puis après l’excès constaté, à revenir à une position plus équilibrée proche de la valeur fondamentale du titre. Mais cet équilibre n’est jamais durable, et après avoir commis un excès dans un sens, le marché en commettra un dans l’autre sens, et ainsi de suite. « Le retour est le mouvement du Tao, et l’éloignement implique le retour », selon Lao Tseu.

 

 

Figure 3.5 – L’oscillateur de John Poynting

 

Dans le graphique ci-dessous, la première courbe représente l’historique de l’oscillateur des prix du blé de 1830 à 1875 en Angleterre. Ce premier exemple d’un oscillateur sur des prix a été publié en 1884 dans le Journal of the Royal Statistical Society ; il est dû à John Poynting qui pour sa construction, a utilisé une moyenne mobile courte à 4 ans et une moyenne longue à 10 ans.

 

 

 

 

2.1 Définition

 

L’oscillateur peut se calculer de plusieurs manières. Il peut s’agir de la différence en valeur absolue ou relative, entre une moyenne mobile courte et une moyenne mobile longue.

 

On peut également prendre l’écart en pourcentage entre les prix et leur moyenne mobile.

 

En signalant les tensions révélées par les écarts entre les prix et les moyennes mobiles, l’oscillateur permet d’appréhender et de quantifier ce caractère essentiel de la psychologie boursière qu’est l’excès d’anticipation. Ainsi, quand un écart trop grand apparaît entre la moyenne mobile courte et la moyenne mobile longue, il faut s’attendre à ce que se produise un effet de retour qui va ramener la moyenne mobile courte sur la moyenne mobile longue.

 

 

Figure 3.6 – Les cours du pétrole

 

En août 2008, l’écart entre la moyenne mobile courte et la moyenne mobile longue des prix du pétrole atteint 40%, un niveau qui n’avait pas été vu depuis mars 2000 ! A cette époque, l’or noir a subi une chute de plus de 40% dans les mois qui ont suivi. Pour l’analyste technique, il ne fait aucun doute que l’histoire va se répéter.

 

 

Mais si le principe de l’oscillateur est simple à énoncer, sa mise en application est beaucoup plus délicate dans la mesure où il faut spécifier à la fois la moyenne mobile courte et la longue. Doit-on utiliser une moyenne mobile simple, à pondération linéaire ou dégressive ? Quel cours est le plus à même de refléter au mieux la tendance de l’action ? Le cours d’ouverture, le cours de clôture, le plus haut, le plus bas ou une combinaison linéaire de ceux-là ? Quelles périodes doit-on choisir ? 5, 10, 20, 50 pour la moyenne mobile courte ? Et pour la longue, faut-il opter pour une moyenne à 100, 150, 200 périodes ?

L’expérience m’a appris qu’en prenant des moyennes mobiles simples calculées sur des cours de clôture ainsi qu’une période pour la moyenne mobile longue égale à deux fois la période de la moyenne courte, les résultats donnés par l’oscillateur étaient très satisfaisants, du moins pour l’utilisation que je fais de cet outil. Cela peut paraître arbitraire, mais je ne suis pas dans une logique de systèmes de trading où l’optimisation des paramètres est censée jouer un rôle crucial.

 

Figure 3.7 – NASDAQ100

 

Si l’on s’en tient aux croisements des moyennes mobiles pour prendre ses décisions d’achat ou de vente, l’exemple du NASDAQ 100 et de ses moyennes mobiles à 50 et 10 semaines est éloquent. La Dead Cross nous aurait fait vendre la semaine du 2 avril 2001  à  1450 points, soit après une baisse de 70% de l’indice ! En prenant en compte l’oscillateur, on s’aperçoit que celui-ci atteint un maximum au mois de mai 2000 et qu’il commence à se dégonfler en octobre de la même an- née. Nous aurions alors vendu autour des 3300 points, certes pas dans les plus hauts, mais bien avant le signal donné par la Dead Cross. Cet exemple, parmi tant d’autres, nous montre que rechercher les intersections entre des moyennes mobiles est une technique beaucoup moins efficace que celle qui consiste à s’intéresser à l’évolution de l’écart entre des moyennes mobiles.

 

 

2.2 Comment interpréter le phénomène ?

 

Par définition, nous savons que l’oscillateur mesure la vitesse relative de la moyenne courte par rapport à la moyenne longue, ou celle des prix par rapport à leur moyenne mobile si l’on utilise la deuxième formule que j’ai indiquée plus haut. Quand une tendance se met en place, la réaction des prix est d’abord visible sur la moyenne courte, pour ensuite se propager à la moyenne longue. Si après une Golden Cross l’écart entre les 2 moyennes augmente, cela veut dire que la courte progresse plus vite que la longue, et donc que le marché accélère son mouvement haussier. Inversement, si la moyenne courte baisse plus vite que la longue, ce qui arrive généralement après l’apparition d’une Dead Cross, le mouvement baissier s’accélère.

Quand l’oscillateur atteint une valeur extrême, on peut penser que les prix sont allés trop loin et trop vite, que l’effet de rappel va s’enclencher et que le marché est mûr pour subir une correction. Le mouvement, qu’il soit haussier ou baissier, va alors perdre de son accélération, les prix montent ou baissent de moins en moins vite, ce qui se traduit par une sous-performance de la moyenne mobile courte par rapport à la moyenne mobile longue. Les valeurs extrêmes prises par l’oscillateur, qu’elles soient dans le haut ou dans le bas du graphique, vont alors permettre de mettre en évidence les fameuses zones de surachat et de survente, si prisées par les techniciens.

 

 

Figure 3.8 – Le contrat Future TREASURY NOTE

 

Avant l’interprétation, la première étape consiste à tracer sur un graphique, la série chronologique de l’oscillateur. Dans l’exemple ci-dessous, on s’aperçoit que l’oscillateur du contrat TNOTE possède une allure plus ou moins sinusoïdale laquelle provient du fait qu’en soustrayant les prix de leur moyenne, on élimine leur tendance.

 

 

 

Par définition, toutes les courbes d’oscillateurs s’enroulent autour de la ligne du zéro. Dans le cas où la courbe se situe au-dessus de cette ligne, on considère que le marché est haussier ; s’il est au-dessous, le marché est baissier. Mais que ce soit dans la zone positive ou dans la zone négative, la vitesse d’un marché varie constamment en intensité et des phases d’accélération succèdent toujours à des phases de décélération.

Ces inflexions de la vitesse traduisent l’intensité avec laquelle le titre ou le marché considéré évolue. Pour quantifier le rythme de ces mouvements, l’analyste fera appel à l’accélération qui n’est autre que la pente de la vitesse.

Cette dernière sera déterminée graphiquement et correspondra aux points de retournement de l’oscillateur (cf. figure 3.9). On en déduit alors les principes d’intervention suivants :

  • Accumuler des positions acheteuses lorsque la vitesse est négative mais l’accélération positive.
  • Conserver ses positions ou les renforcer lorsque la vitesse et l’accélération sont toutes les deux positives.
  • Alléger ses positions lorsque la vitesse est positive, mais l’accélération négative.
  • Rester à l’écart ou solder ses positions lorsque la vitesse et l’accélération sont négatives.

 

 

Figure 3.9 – Evolution schématique d’un oscillateur

 

Quand l’oscillateur est au-dessus de zéro, deux configurations sont possibles : si l’écart augmente cela correspond à une accélération positive (de même sens que la vitesse) ; si l’écart se contracte, l’accélération est négative. Même raisonnement quand l’oscillateur est au-dessous de la ligne du zéro : si l’écart augmente cela correspond à une accélération négative ; si l’oscillateur se contracte, l’accélération est positive. Les points extrêmes correspondent ainsi aux périodes où l’accélération change de signe.

 

 

 

Il reste une dernière difficulté à surmonter quand on veut utiliser un oscillateur, celle qui consiste à déterminer les deux seuils à partir desquels il conviendra de considérer que le marché est devenu suracheté ou survendu. En établissant ainsi une norme sur l’oscillateur, il sera possible de calculer la proportion des cas où lorsque cet outil dépasse un niveau donné, il est suivi par un retournement de tendance sur la courbe des prix. Cela permet ainsi de quantifier objectivement le taux de réussite des résultats obtenus, ce qui apporte à l’analyse technique une approche plus scientifique.

La première solution, souvent utilisée par les apprentis-chartistes, consiste à reprendre l’historique de l’oscillateur sur une période relativement longue, à tracer un support et une résistance horizontale en prenant appui sur les points extrêmes de l’oscillateur, puis à les prolonger dans le futur (cf. figure 3.10). Une fois ce travail effectué, le raisonnement appliqué est le suivant : chaque fois que l’oscillateur viendra toucher une des deux bornes, le marché sera considéré comme suracheté (si c’est la résistance qui est testée) ou survendu (s’il s’agit du support).

 

 

Figure 3.10 – Projection de L’évolution d’un oscillateur

 

 

 

Cette solution quelque peu artisanale se heurte au problème de la volatilité de l’oscillateur, laquelle se traduit par le fait que la distance entre les deux bandes varie au cours du temps en fonction de la volatilité du titre. Une solution plus rigoureuse, moins subjective et plus pertinente pour déterminer les situations de surachat et de survente commande le recours aux deux variables statistiques les plus utilisées dans le domaine financier, à savoir la moyenne et l’écart type.

 

2.3 Comment mesurer le phénomène ?

 

La difficulté majeure dans l’utilisation de l’oscillateur réside dans la détermination du seuil à partir duquel cet outil émettra un signal de correction. Car s’il est relativement facile de déterminer le moment où le spread devient important, il est plus délicat d’interpréter cet avertissement comme un signal précis et opportun d’achat ou de vente. Quel écart en pourcentage convient-il de choisir ? En fixant un seuil trop bas ne risque- t-on pas de prendre pour une correction ce qui n’est qu’une fluctuation normale du marché, et en fixant un seuil trop haut, ne prend-on pas le risque de passer à côté d’un mouvement conséquent ? La solution la plus acceptable consiste à passer par l’écart type, ce qui permet de déterminer des niveaux de surachat ou de survente qui vont évoluer en fonction de la volatilité de l’oscillateur.

Généralement, la bande de surachat est déterminée en décalant vers le haut la moyenne historique de l’oscillateur de une et demie à deux fois l’écart type, tandis qu’en la déplaçant vers le bas du même rapport, on obtient la bande de survente. On vérifie ainsi qu’à n’importe quel endroit du graphique, les deux bandes se situent à la même distance de la moyenne de l’oscillateur.

 

 

Figure 3.11 – BOEING

 

A partir du mois d’août 2006, la volatilité de l’oscillateur augmente puis ce mouvement s’accélère en 2007 : la zone de survente se décale alors vers le bas passant de -3% au mois d’août à -9% en octobre 2008. Puis à partir de mars 2009, Boeing entame une tendance haussière. Début mai, le titre a déjà progressé de 50% par rapport à ses plus bas mais l’oscillateur n’est qu’à 6%, un niveau qui semble élevé mais qui est encore en-dessous de la zone de surachat située à +9%. Il convient donc de conserver le titre, lequel va encore s’apprécier de 15% avant que l’oscillateur ne franchisse le seuil de surachat.

 

 

 

2.4 L’utilisation de l’oscillateur

 

Une fois les bandes calculées et positionnées sur le graphique, on peut les utiliser pour obtenir de nouvelles informations sur l’état du marché, et répondre notamment à la question suivante : les prix sont-ils trop hauts ou trop bas, le marché est-il suracheté ou survendu ? On dira que les prix sont trop élevés quand l’oscillateur sera au-dessus de la bande supérieure, et qu’ils sont trop bas quand l’oscillateur se situera au- dessous de la bande inférieure. A noter que le verbe « suracheter » ne date pas d’hier ; il désignait dès le XVIe siècle un achat de monnaie en or ou en argent au-dessus du cours légal.

 

Figure 3.12 – GAZ NATUREL

 

Si la première utilité d’un canal est de mettre en évidence la tendance, sa deuxième utilité est de donner des points d’entrée ou de sortie : acheter sur la borne basse et vendre sur la borne haute. L’utilisation d’un oscillateur apportera une preuve par neuf de l’opportunité de cette stratégie. Si les prix testent la borne haute alors que l’oscillateur est suracheté, le scénario d’une sortie par le haut du canal a peu de chances de se réaliser. Il faut au contraire, envisager un retour sur la borne basse du canal. Par contre, si les prix se maintiennent sur la résistance du canal tandis que l’oscillateur se dégonfle, l’investisseur devra éviter de vendre, car la probabilité d’une sortie par le haut du canal est supérieure à celle d’un retour sur le support du canal.

 

 

De nos jours, ces notions de surachat et de survente font partie du vocabulaire de base de l’analyse technique. Ce concept est à rapprocher des critères de valorisation boursière utilisés par les analystes fondamentaux et qui leur permettent notamment de déterminer si un titre est trop cher ou pas assez valorisé. En étant basé uniquement sur l’évolution des prix passés, l’oscillateur technique intègre une dimension psychologique et apporte ainsi une information différente sur la cherté ou non d’un titre. A la question de savoir comment intervenir à partir de l’oscillateur, la réponse est la suivante : tant que celui-ci n’a pas atteint ses niveaux de surachat ou de survente, le potentiel de hausse ou de baisse du titre reste intact.

Mais attention, le fait que le marché devienne survendu ou suracheté ne signifie pas pour autant que l’écart va revenir immédiatement à la normale et qu’il faille s’empresser de vendre ou d’acheter. Un oscillateur peut rester un certain temps dans une zone extrême, aussi ce n’est que lorsqu’il quittera cette zone que le technicien devra y voir un signal de baisse ou de hausse des prix. Et encore, une telle situation peut impliquer deux autres scénarios. Cela peut tout simplement vouloir dire que les prix se stabilisent ; la moyenne mobile courte va alors en faire de même et sera rattrapée par la longue. Dans ce cas, le dégonflement de l’oscillateur n’est pas induit par une baisse des prix, mais par leur stabilité. Il se peut également que les prix continuent de monter (ou baisser), mais à un rythme beaucoup plus faible.

Là encore, la baisse (ou la hausse) de l’oscillateur ne signifie pas que les prix font de même. Cette déconnexion, cette désynchronisation entre l’évolution des prix d’un actif et celle de l’oscillateur qui lui est associé s’appelle une divergence graphique.

 

 

2.5 Les divergences graphiques

 

Les techniciens parlent de divergence haussière quand l’oscillateur se redresse depuis une zone de survente, tandis que dans le même temps les prix continuent de baisser (cf. figure 3.13) ; ils parlent d’une divergence baissière pour la configuration inverse, c’est-à-dire lorsqu’ils constatent sur un graphique que le cours de Bourse d’un titre reste orienté à la hausse tandis que dans le même temps, son oscillateur technique s’oriente à la baisse (cf. figure 3.14).

 

 

Figure 3.13 – Divergence haussière sur le DOW JONES

 

Toute divergence entre la tendance suivie par les prix et celle de l’oscillateur, surtout lorsque ce dernier se situe dans une zone extrême, doit être considérée comme un signe de ralentissement de la dynamique des prix. Après une chute de 50% du DOW JONES en l’espace de 18 mois, l’apparition en mars 2009 d’une divergence haussière entre l’indice et son oscillateur à 10 et 20 semaines, traduit la décélération de la tendance baissière : une condition nécessaire, mais pas suffisante pour envisager un retournement de tendance.

 

 

 

 

 

Figure 3.14 – Divergence baissière sur le DOW JONES

 

Alors que l’indice DOW JONES poursuit une tendance haussière depuis septembre 1986, l’apparition sur l’oscillateur à 10 et 20 semaines d’une divergence baissière au mois de septembre 1987, fragilise la configuration graphique de l’indice phare de Wall Street.

 

 

Si la divergence d’un oscillateur peut constituer un signe avant- coureur de la fin d’une tendance, la présence d’une telle configuration n’est toutefois pas suffisante pour ouvrir des positions acheteuses ou vendeuses. Elle évitera néanmoins à l’investisseur d’opérer dans une zone d’excès, c’est-à-dire d’acheter quand tout le monde l’a déjà fait et que le marché est considéré comme suracheté, ou de vendre quand il est survendu. Reconnaissons que ce n’est déjà pas si mal !

 

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